jeudi, novembre 30, 2023
Éditorial

EDITORIAL. Général Nezzar, le difficile retour de manivelle

Le communiqué attribué au ministère des affaires étrangères algériennes – publié par adn-med ce jeudi– non signé mais non démenti, relatif à l’affaire Nezzar serait, s’il venait à être authentifié, un signe supplémentaire de la décrépitude institutionnelle et diplomatique dans laquelle se délite l’Algérie.

Égarement diplomatique

Ahmed Attaf est pourtant connu pour être un des derniers professionnel des affaires internationales encore en poste en Algérie. Cependant, tels qu’ils sont rapportés, les propos qu’il aurait tenus à son homologue suisse sont proprement hallucinants. Il est clairement affirmé que l’indépendance de la justice d’un pays n’autorise pas de traiter une affaire qui attente à la crédibilité d’une autre nation. Dans un Etat de droit, la seule chose qui détermine l’action judiciaire est le terme de la loi, chose qu’en l’occurrence les magistrats helvètes ont scrupuleusement suivie avant de déférer le général algérien devant le Tribunal fédéral.  Par ailleurs, et quand bien même le concerné aurait-il été dans le passé ministre de la défense, il n’occupe aujourd’hui aucune fonction officielle qui pourrait justifier une implication aussi manifeste du ministère des affaires étrangères.

Dire que les relations historiques liant la Suisse – qui a joué un rôle non négligeable dans la conduite des négociations ayant abouti à la fin de la guerre coloniale – à l’Algérie comme les rapports à venir entre les deux pays pâtiraient d’une procédure, parfaitement conforme au droit que s’est donnée la Confédération helvétique, participe d’une forme de chantage niais, inefficace et, pour tout dire, dégradante pour celui qui y recourt.

Aveuglement devant l’Histoire

Cette affaire doit-elle, pour autant, être balayée d’un revers de main. Assurément pas. Des islamistes ont saisi une ONG pour témoigner des sévices dont ils auraient été victimes pendant la décennie noire. Une procédure longue et complexe a été suivie avec ténacité avant de faire aboutir le dossier devant le Tribunal fédéral. Outre la réparation attendue dans ce procès, la démarche vise aussi à révéler une vérité estimée importante par les plaignants pour les générations futures. Cela suppose un certain souci de la trace que l’on laisse dans l’histoire. 

On peut supposer que dans des guerres comme celle qu’a connue l’Algérie dans les années 90, des dépassements et des abus ne relèvent pas de la seule propagande islamiste. Il est important que la lumière soit faite sur ces arbitraires.

Voyons maintenant la violence sous l’autre facette. Des bébés brulés dans les fours, des femmes violées avant d’être, pour certaines, éventrées, des citoyens décapités pour avoir refusé de suivre le dictat de zombies, des bombes posées dans des trains et des bus bondés qui firent des dizaines de victimes….L’Etat algérien a-t-il engagé sur la scène internationale des poursuites contre des individus ou des organisations qui ont expressément revendiqué ces forfaits pour parvenir à ce que la justice internationale statue sur le phénomène islamiste comme on a jugé le nazisme à Nuremberg ? la réponse est malheureusement non. La loi sur la réconciliation nationale était une absolution qui a interdit le jugement de l’un des fléaux qui, avec le nazisme déjà évoqué et le stalinisme, ont dévastté le vingtième siècle et le début du suivant.

Le propre des régimes autocratiques est de faire tourner l’Etat autour des besoins égoïstes et primaires des parrains. La perspective historique n’apportant rien à l’immédiateté des choses, n’occupe ni le temps ni les énergies de jouisseurs du temps qui passe.

Atavisme clanique

Plus concrétement, le pouvoir algérien s’interroge-t-il sur les conséquences de son refus de faire le lien entre l’islamisme et le terrorisme, un déni sur lequel, surfent les assassins et leurs commanditaires pour lancer une campagne éhontée de négationnisme sur la responsabilité des partis intégristes dans la mort de dizaines de milliers d’Algérien ?

Comme dans tous les systèmes despotiques, les dirigeants ne voient les risques d’un péril que s’il y a menace sur les privilèges des puissants – la rente pétrolière dans la cas algérien – ou lorsqu’un dignitaire du clan est atteint.

C’est la loi sur la réconciliation nationale qui a empêché que le jugement de l’histoire et celui des hommes ne sanctionnent le fondamentalisme islamiste. Le général Nezzar est d’abord la victime du système qu’il a, avec d’autres, contribué à maintenir en place ou en tout cas à pérenniser.

Plus conjoncturellement, le gouvernement algérien qui vante l’excellence de ses relations avec le Qatar et la Turquie a-t-il songé à demander quelques explications à ces deux Etats dont le Trésor américain a formellement établi les financements massifs accordés à des organisations qui entretiennent et assistent les éléments qui réécrivent l’histoire de la décennie noire et qui ont, probablement, permis de faire aboutir la plainte contre Nezzar, procédure longue et onéreuse ?

Il serait bon que la diplomatie algérienne et, plus généralement le régime, entendent que l’urgence est d’affranchir le droit algérien des injonctions claniques et non d’attendre de la Suisse qu’elle algérianise sa justice.

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