jeudi, novembre 30, 2023
Débats

FLN-Hamas : Autopsie d’un parallèle historiquement fallacieux et politiquement dangereux. Par Mayas MESSIR*

Du Figaro à Mediapart, d’Houria Bouteldja aux « progressistes spécifiques algériens », nombreux ont été les vecteurs médiatico-politiques, en France comme en Algérie et ailleurs dans le monde, à avoir exprimé cette ineptie historique, politique et intellectuelle. Celle-là même qui a inspiré à la journaliste Eugénie Bastié la sulfureuse accroche suivante : « FLN-Hamas : Quand le décolonialisme justifie le terrorisme » ou  qui a permis à l’indigéniste racialiste Bouteldja de se revendiquer d’Abane Ramdane. Rien que ça !

Commençons par un petit rappel des faits. Le 7 octobre 2023, le Hamas, mouvement islamiste palestinien, financé et armé par la République islamique d’Iran, lance l’opération Déluge d’Al- Aqsa. À moto, en parapente, en voiture ou à pied, des dizaines de commandos terroristes s’attaquent à six bases militaires de Tsahal et à sept zones résidentielles civiles dont une ville, cinq kibboutz et le site du festival Supernova. Aux cris d’ « Allah Akbar», les commandos djihadistes s’attaquent aux civils israéliens résidant dans les localités se trouvant à moins de sept kilomètres de la frontière gazaouie. Bilan, 1400 personnes tuées et plus de 200 otages capturés et exhibés, pour certains, comme « butins de guerre » par les images de propagande du Hamas qui n’hésitera pas une seconde à diffuser les images comme ce fut le cas avec le corps de cette jeune femme dénudée capturée et embarquée à l’arrière  d’un pick-up. Un mode opératoire correspondant parfaitement à ce que l’on qualifie d’attaques terroristes mais aussi à ceux d’autres organisations se réclamant de la même idéologie que le Hamas :  le djihadisme islamique. Car, c’est bien de cela dont il s’agit, d’un djihadisme contre « les Juifs ».

Du reste, les leaders du mouvement ne s’en cacheront jamais. Leur but est d’abattre « l’Etat d’Israël » et de mener « le djihad ».

26 août 1956, à Ifri, dans l’actuelle commune d’Ouzellaguen, en Kabylie (Algérie). Abane

Ramdane, dont Bouteldja se revendique sans vergogne (en souillant, par ailleurs, la mémoire d’un homme aux antipodes de sa pensée indigéniste, islamiste et racialiste) décide de réunir l’ensemble des forces politiques et militaires travaillant à la ressuscitation du combat indépendantiste algérien pour donner une assise politique, idéologique et organique à ce qui deviendra « la Révolution algérienne ». Après d’âpres discussions, fidèlement rapportées par Rachid Adjaoud, dactylographe officiel du Congrès de la Soummam, dans son livre Le dernier témoin (Ed. Casbah, 2012), les

congressistes aboutissent, entres autres, aux résolutions suivantes : « Primauté du politique sur le militaire » pour mettre fin aux tentations de certains chefs militaires qui ont pu commettre des

attaques contre des civils ; la Révolution algérienne visait l’établissement d’un « Etat démocratique et social » et « (qu’) il ne s’agi(ssai)t pas de restaurer une monarchie ou une quelconque théocratie désormais

révolues ». Le ton est donné ! La Révolution algérienne visait l’établissement d’un Etat démocratique, social et laïc. Ce congrès sera, par ailleurs, l’occasion pour Abane et d’autres militants du FLN d’aborder franchement la question des attaques perpétrés contre des civils européens. Le même Abane reprocha sèchement à Zighout Youcef la stratégie qui avait consisté à s’en prendre à des civils dont des femmes et des enfants. La même confrontation virulente aura lieu quand sera abordée la Nuit rouge de la Soummam. Ces incidents aboutiront, finalement, à la

condamnation ferme et à l’interdiction des expéditions punitives et des égorgements et à l’obligation d’instaurer un tribunal avec un avocat pour le prévenu. Et ceci, malgré les contraintes que peuvent occasionner ce genre de procédures en pleine guerre. Faut-il encore rappeler que  dès le 1er novembre 1954, date du déclenchement de l’insurrection armée du FLN, qu’en contrepartie de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, les indépendantistes s’engageaient à ce que « les intérêts français, culturels et économiques, honnêtement acquis, seront respectés ainsi que les personnes et les familles. (Que) tous les Français désirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité et seront de ce fait considérés comme étrangers vis-à-vis des lois en vigueur ou opteront pour la nationalité algérienne et, dans ce cas, seront considérés comme tels en droits et en devoirs. Ou encore que les liens entre la France et l’Algérie seront

définis et feront l’objet d’un accord entre les deux puissances sur la base de l’égalité et du respect de chacun ». Ainsi, avant même l’effectivité de l’indépendance, les militants du FLN se projetaient déjà dans l’après-guerre en envisageant une relation future et apaisée avec l’ex-puissance coloniale.

Rappelons, enfin, que dans toute la littérature indépendantiste, notamment dans la déclaration du 1er novembre 1954 ou les résolutions du Congrès de la Soummam (traduites dans plusieurs langues, y compris en hébreu), originalement rédigées en français, à aucun moment, une ligne de continuité n’est tracée entre « le colonialisme », « l’ordre colonial » et « le peuple français » ou encore la culture française. Les indépendantistes algériens visaient l’affaiblissement et le renversement d’un ordre politique inégalitaire et non pas l’élimination d’un peuple ou d’un pays comme le veut le Hamas aujourd’hui. Le parallèle entre ces deux entités que tout oppose est historiquement

fallacieux, pour les raisons évoquées dans cet article et bien d’autres, mais aussi politiquement dangereux tant il vise à dédouaner le Hamas de toute responsabilité dans les barbaries commises le 7 octobre, exactions qui attentent à l’avenir de la cause palestinienne avec pour résultat cyniquement recherché celui de provoquer des rétorsions dont les victimes secondaires sont les populations de Gaza d’où les dirigeants du HAMAS ont pris soin d’extraire leurs proches.  

Ce confusionnisme aveugle et prive l’Europe et l’Occident, encore une fois, de la lucidité qui aurait pu permettre d’apprécier la différence qu’il peut y avoir entre des mouvements franchement convaincus de la nécessité de faire entrer dans la modernité ce « Sud global » que les wookistes s’évertuent à essentialiser, en posant un préalable : s’écouter et se comprendre. Car, pour se comprendre, il faut pouvoir s’entendre sur un même langage : celui de          l’universalisme qui, s’il est bien compris, n’est pas opposé à la singularité (qui n’est pas l’exotisme), mais autant d’autres manières d’exprimer l’idéal universaliste et qui passe d’abord par  la condamnation ferme et sans « mais » de toute attaque perpétrée contre des civils. Surtout lorsque ces mêmes attaques sont guidées par autant de motivations fanatiques comme peuvent  l’être l’antisémitisme ou encore l’islamisme.

*Mayas MESSIR, étudiant en Science politique à la Sorbonne, Paris

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