jeudi, novembre 30, 2023
Culture

SILA d’Alger : dépression et désertion

Le salon international du livre d’Alger, SILA, était un moment où se bousculaient des amateurs venus seuls, en couple ou en groupes, joyeux et curieux. Au cinquième jour de l’édition 2023, l’observateur constate que les visiteurs sont nettement moins nombreux que les années précédentes. En regardant de plus près, on relève que les visages sont fermés. Les habitués des lieux noteront aussi que le brouhaha si caractéristique du salon est éteint, ajoutant à la morosité d’une manifestation qui fut longtemps le dernier site de la libre pensée d’Alger.

Un climat malsain

Pourquoi cette désaffection qui ressemble à une mort lente ? Plusieurs explications sont avancées. Pour Hamid, un cadre des finances, lui-même poète à ses heures, la cherté de la vie pèse sur les bourses. Quand on fait remarquer qu’auparavant les gens venaient au SILA pour se rencontrer, s’informer des nouvelles publications sans forcément acheter, le fonctionnaire concède qu’il y a une forme de lassitude dans la société qui ne pousse pas à l’échange. 

Rabah, ancien journaliste à Liberté avance des arguments plus précis : « Il n’y a plus de vecteur qui traite des questions éditoriales ou d’évènements culturels, même quand ceux-ci existent. Il reste bien les réseaux sociaux mais cela ne remplace pas une presse spécialisée qui fait parler les auteurs, présente les ouvrages où analyse les réactions du public…Et puis, il y a cette campagne contre la langue française. Des pays paieraient cher pour faire venir un prix Nobel de littérature. Eh bien, nous, on trouve le moyen de provoquer une polémique avec Annie Ernoux qui a finalement décidé de renoncer à son voyage sur Alger. Un comble. Ces contraintes s’additionnant avec la censure et la répression générales, créent un climat malsain. » 

Haro sur le français

L’invité d’honneur du salon 2023 est l’Afrique. Seuls les pays francophones ont été invités. Tous les débats se font en français. Pour autant, aucune affiche n’est écrite en français. « Cette stigmatisation du français, engendre un sentiment de dégoût ou de colère chez le lecteur francophone qui est bien plus assidu que celui qui lit en arabe. Et ce sectarisme contre la langue française se répercute dans la fréquentation du SILA », ajoute Rabah. 

« Nous vendions entre 600 et 700 livres par jour. Cette année, nous en écoulons à peine 150 » avoue une jeune préposée à la caisse qui supplie de ne pas être nominativement citée. 

Pour beaucoup, la désertion et la morosité du SILA sont plus que l’échec d’un évènement culturel. C’est le signe du délitement d’un écosystème culturel entré dans une profonde régression.  Une régression qui participe d’une stratégie d’enfermement plus globale.

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