mardi, novembre 28, 2023
Politique

Tunisie : Rétropédalage de Kaïs Saïed sur la loi criminalisant les relations avec Israël

Après avoir laissé passer, en commission à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), une proposition de loi criminalisant les relations avec l’Etat hébreu, le chef de l’Etat tunisien a, ce mardi 7 novembre 2023, exprimé son opposition à cette loi, et ce malgré le soutien d’une majorité de l’Assemblée. Cette prise de position a été suivie de celle du président de l’ARP, Brahim Bouderbala, qui s’est également rétracté. 

Ce revirement présidentiel contraste avec les précédentes déclarations publiques de Saïed, connu pour ses saillies empreintes d’un antisémitisme dont il se défend par ailleurs et qui lui ont, d’ailleurs, permis de capitaliser sur le soutien des courants islamistes et nationalo-populistes tunisiens. 

On se rappelle des allusions complotistes du chef de l’Etat tunisien lors d’un entretien télévisé dans lequel il s’interrogeait sur l’origine de la nomination de la tempête Daniel, qui avait décimé la Libye en septembre dernier, laissant penser que ce choix aurait été par dicté par « l’impérialisme sioniste ». et dont il assurait qu’il « s’est infiltré, laissant les esprits, et toute réflexion dans un coma intellectuel total ». 

 Cette fois, c’est un tout autre Saïed qui s’est présenté, dans un discours solennel au « peuple tunisien », estimant que la Tunisie était « dans une guerre de libération et non de criminalisation » avant de subtilement suggérer qu’il était insignifiant de criminaliser la collaboration avec un Etat que, de toute manière, il ne reconnaissait pas. Dans le même sillage, le président de l’ARP, aligné sur les positions du chef de l’Etat, a estimé, après l’avoir portée et soutenue jusque-là, que l’adoption d’une telle loi constituerait une « menace pour la sécurité extérieure de la Tunisie ». 

Il est encore difficile de se prononcer de ce brusque revirement. La proposition serait-elle trop audacieuse, même pour un président habitué d’outrances langagières ? Pour rappel, ladite proposition prévoyait une peine allant jusqu’à douze ans de prison – et la prison à vie en cas de récidive – contre toute personne de nationalité tunisienne qui entretiendrait des relations, directes ou indirectes, avec des personnes de nationalité israélienne, et plus généralement, avec « l’entité sioniste […] qui se fait appeler Israël » et dont . Le chef de l’Etat a-t-il fini par prendre conscience de ce que ce projet de loi impliquait comme répercussions sur le plan extérieur pour la Tunisie ? Plusieurs députés, porteurs et soutiens de la proposition de loi, ont laissé entendre, dans la presse tunisienne, que le gouvernement tunisien aurait cédé aux « pressions américaines ». Dernière explication avancée devant ce rétropédalage : les conséquences sécuritaires, sur le plan interne, que pourrait faire peser l’adoption d’une telle loi en sachant que des ressortissants israéliens se rendent régulièrement, à Tunis, pour le pèlerinage juif annuel à la synagogue de la Ghriba – qui avait été visée, rappelons-le, par un attentat terroriste le 9 mai dernier qui a coûté la vie à quatre personnes, dont deux fidèles qui participaient à la cérémonie avec comme incidence collatérale un sérieux impact sur le tourisme qui constitue l’une des principales rentrées financières de l’Etat et qui commence à peine à reprendre des couleurs après l’épisode de la covid et la série d’attentats qu avaient ciblé des étrangers. 

Mayas Messir

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