CHARTE
Ce projet est initié par des patriotes démocrates tunisiens, algériens et marocains convaincus que l’heure est venue de doter l’Afrique du Nord d’un espace d’information, d’expression et de débat libre affranchi de tout tabou. Ancré dans sa profondeur historique, assumant son environnement géopolitique, il veut s’inscrire dans le devenir démocratique commun de nos peuples et de toute l’Humanité.
L’Afrique du Nord est à la croisée des chemins. La Tunisie a chassé un régime despotique en 2010 mais vit, douze ans après, un état de désenchantement tel que la tentation d’une restauration autoritaire est de plus en plus perceptible. L’Algérie qui a connu d’importantes manifestations de rue en 2011 dans la capitale a dû attendre 2019 pour vivre son premier grand mouvement de contestation nationale appelant à une rupture radicale. Faute d’orientation et d’encadrement clairs, l’exceptionnelle mobilisation qui a duré deux ans est restée sans suite concrète. Dans la foulée des printemps dits arabes de 2012, le Maroc qui a vu sa Constitution s’ouvrir vers une monarchie constitutionnelle prônant l’égalité totale entre les sexes, les confessions, les langues et les cultures peine à traduire cette ambition.
Les déphasages temporels et politiques de ces évènements permettent de dégager un enseignement que notre Histoire a déjà validé lors de la décolonisation menée par nos trois pays : une émancipation viable ne peut se réaliser que dans le cadre d’une complémentarité des luttes nationales solidaires. Le premier mouvement pour l’indépendance algérienne s’appelait l’Etoile Nord-Africaine et les étudiants de nos trois pays se regroupèrent dans une organisation commune, l’association des étudiants musulmans nord africains (AEMNA). La synergie des luttes citoyennes de nos trois peuples* est une condition essentielle pour l’avènement de la démocratie dans le sous-continent nord-africain.
À ce jour, et faute de lieu de médiation stable et crédible, nous n’avons pas pu appréhender sereinement les grands blocages qui ont empêché l’ancrage de la culture démocratique dans nos contrées. C’est ce défi nié, occulté, contrarié ou, trop souvent, réprimé que nous sommes condamnés à affronter sans esquives ni arrière-pensées. L’enjeu concerne toute la région. La Tunisie, l’Algérie et le Maroc connaissent des différences de degré et non de nature quant aux problèmes de déficit démocratique, de contraintes structurelles et d’intégration géopolitique.
Nous sommes dans un moment de rupture historique qui sanctionne les gestions postcoloniales des trois régimes.
En attendant les conditions qui permettront l’émergence d’une classe politique nouvelle porteuse de toutes les sensibilités émancipatrices qui traversent nos sociétés, il convient de relever que la tâche de l’heure concerne non pas le militant mais le patriote. Aujourd’hui, l’urgence n’est pas d’appliquer un programme politique partisan mais de créer et de consolider les bases qui assurent définitivement l’arbitrage citoyen dans un État démocratique.
Seul un débat transparent, sans tabous ni contraintes, adossé à nos vérités historiques et aux principes universels qui fondent toute démocratie, peut permettre de sortir d’une ornière où des prétendants politiques rusent ou jouent de la confusion des concepts pour obtenir un changement de pouvoir et non le changement de système de gouvernance exigé par les peuples. D’où l’impérieuse nécessité de la mise en place d’un espace de débat citoyen libre, ouvert à toutes les sensibilités respectant les principes et valeurs universels déclinés, pour ce qui concerne l’Algérie dès le Congrès de la Soummam d’août 1956, soit six ans avant l’accession à son indépendance.
Cet espace de débat doit nécessairement être informatif. Aujourd’hui, les citoyens des trois pays sont obligés de se connecter aux médias occidentaux ou à ceux du Moyen-Orient pour prendre connaissance des évènements ou dossiers constituant l’actualité chez leurs voisins. Si la nécessité de proposer de l’information factuelle est un préalable à la construction d’une opinion citoyenne nord-africaine avisée, positive et nourrie par les vérités de terrain, la fluidité de la circulation des idées à travers des échanges libérés des pesanteurs structurelles ou conjoncturelles à l’origine de la régression politique de notre région devient un impératif. Il est pour le moins anormal que les islamistes tunisiens, algériens ou marocains, liés à l’internationale islamiste, traitent conjointement et de façon décomplexée des questions nous concernant et que les démocrates de ces mêmes pays se sentent (ou soient considérés) coupables du moindre contact qu’ils nouent.
L’exigence démocratique est une aspiration populaire chez nos peuples. Elle est cependant orpheline d’une maison commune où, par-delà les nuances qui les distinguent, peuvent se retrouver les citoyens quand l’essentiel est en jeu. Ceux qui portent cette légitime ambition, éparpillés, peu visibles et même, pour certains d’entre eux, résignés à la défensive, ne parviennent toujours pas à peser sur les évènements en tant que mouvance solidaire partageant les valeurs auxquelles pourtant tout un chacun adhère.
Pour être opérationnel et performant, cet espace de libre expression doit offrir une lecture spécifique des informations factuelles relatives à chaque nation. En revanche, les analyses, échanges, propositions et débats alternatifs peuvent être exposés dans une plate-forme commune où un intervenant peut s’exprimer sur un pays dont il n’est pas originaire.
Enfin, ce site qui a également vocation à produire de la connaissance et de la mémoire à travers des productions écrites (études, analyses, chroniques…) et audiovisuelles (interviews, comptes-rendus filmés, documentaires…) doit, en sus, pouvoir accueillir des avis d’acteurs ou d’observateurs étrangers quand un chantier concernant l’un de nos trois pays ou, plus généralement, notre avenir commun appelle une expertise ou un regard extérieur.
Ce média n’est pas seulement un instrument de communication, c’est une source qui doit contribuer à irriguer et féconder la perspective démocratique. Rarement nos destins nationaux, n’ont été aussi tributaires de la libération de la parole citoyenne. Insistons sur ce point : la société démocratique ne peut être construite par les armes ou la force, sa naissance et sa pérennité dépendent d’abord de la visibilité et de la crédibilité du projet politique qui l’inspire. Les accès de fièvre récurrents qui perturbent les relations algéro-marocaines sont les symptômes de visons politiques archaïques sur lesquels prospèrent l’arbitraire, la démagogie et le populisme, vecteurs de notre sous-développement chronique.
À court et moyen termes, le fonctionnement de cet organe sera assuré par les abonnements. Son autonomie éditoriale et sa crédibilité sont à ce prix.
Notre droit et notre devoir en tant qu’élites nord-africaines est d’accueillir les voix de la raison et d’ouvrir les pistes qui conduisent à la fraternité, la paix et au développement démocratique. C’est ainsi que les sacrifices consentis par nos ainés pour la libération de nos territoires produiront enfin la liberté citoyenne sans laquelle nul combat ne vaut d’être engagé.
* Pour des considérations conjoncturelles, les cas de la Libye et de la Mauritanie feront l’objet d’une association ultérieure.
